Avoir un alpaga blanc aux yeux bleus (acronyme BEW en anglais, pour Blue-Eyed White) est considéré par certains comme un privilège, et certains vendeurs mettent cette particularité en avant pour justifier un prix élevé de leur alpaga…
Pour un éleveur, les yeux bleus sont souvent considérés comme un défaut…
C’est en effet un défaut car la grande majorité des alpagas blancs aux yeux bleus sont sourds, mais ça ne pose en général pas de souci majeur à l’animal s’il est bien intégré dans un groupe.
Mais ce n’est pas un « défaut génétique » interdisant la reproduction, puisque les yeux bleus ne dépendent pas d’un gène défectueux (comme certains le pensent), mais de la combinaison des allèles « tache blanche » sur un gène ! Un BEW croisé avec un alpaga dépourvu de l’allèle tache blanche ne pourra pas donner un cria aux yeux bleus, tandis que deux alpagas aux yeux de couleur normale mais pourvus du gène de la tache blanche (très fréquent) pourront très bien donner un BEW si ces deux allèles « tache blanche » s’associent et que les hasards de dispersion de la pigmentation sur le foetus provoque la survenue des yeux bleus.
Pour plus de précisions, voici un petit article que j’avais écrit en 2017 pour l’association ALPES à ce sujet :
L’ALPAGA BLANC AUX YEUX BLEUS
L’alpaga blanc aux yeux bleus, que nous désignerons ici par son acronyme anglais BEW (Blue-eyed White) est fréquemment sourd. Il est donc considéré comme vecteur d’une tare génétique à écarter de la reproduction.
Pourtant le phénotype BEW n’est pas l’expression d’un gène déficient porté par le père ou la mère : il n’existe pas de « gène des yeux bleus » ou de « gène de la surdité » transmissible tel quel.
Qu’est-ce qu’un BEW ?
Le BEW résulte du croisement de deux alpagas porteurs de taches blanches qui ont chacun transmis au cria leur allèle « tache blanche », que nous nommerons Bt.
La couleur des alpagas est définie par plusieurs gènes. L’un porte la couleur de base (dominante ou récessive), un autre, dit « gène de la tache blanche », porte l’expression des taches blanches sur la robe du cria :
– soit ce gène ne porte que des allèles U (uni) et le cria n’a pas de tache blanche ;
– soit il porte un allèle Bt et un allèle U : le cria a du blanc plus ou moins étendu ;
– soit il porte les deux allèles Bt et dans ce cas le cria est BEW.
A priori dès qu’on croise entre eux deux alpagas non BEW porteurs de taches blanches on prend le risque d’associer les deux allèles Bt sur le cria, et donc d’avoir un BEW. L’occurrence est de 25% (il y a une chance sur 4 que les deux allèles Bt se retrouvent associés sur le gène du cria).
Un parent de couleur unie blanche peut être porteur de Bt, les taches étant masquées sous la couleur blanche de la toison : donc un BEW peut très bien avoir un ou deux parents blanc uni.
Peut-on faire reproduire un BEW ?
Un BEW ne « transmet » pas ses yeux bleus et sa surdité : il apporte ses deux allèles Bt, et la combinaison des allèles sur le gène du cria fait le reste… Si on le croise avec un alpaga porteur de blanc (donc possédant l’allèle Bt), on a 50% de risque d’avoir un cria BEW. Mais si on le croise avec un alpaga de couleur unie, sans aucune tache de blanc (gène UU), il ne peut y avoir association de deux allèles Bt sur le cria, donc pas de BEW.
Mais attention : l’allèle Bt peut être présent sur un animal qui semble parfaitement uni, son expression est invisible dans une couleur claire (fawn par exemple), ou elle est ténue : une simple petite tache blanche entre les doigts, sous l’aisselle, sous la gorge … Donc il est préférable de croiser le BEW avec un alpaga le plus foncé possible (marron foncé ou noir), dont la lignée est connue et exempte de blanc ou de bicolore.
Petit détail : si le BEW est issu d’un parent gris et qu’on le croise avec un alpaga de couleur parfaitement unie (non porteur de l’allèle Bt), il donnera à 50% du gris, ce qui est le même résultat que pour un gris croisé avec un alpaga foncé.
Christel Chipon – 2017
Sources :
– Articles de D. Andrew et Ann MERRIWETHER (Alpaca color genetics, 2003) et de Elisapeth PAUL (The Alpaca Color Key, 2003)
– The Genetic Inheritance of the Blue-eyed White Phenotype in Alpacas, department of Genetics, Melbourne – Journal of Heredity, 9 nov 2012