A PROPOS… de mon métier d’éleveur

Réflexions sur mon métier d'ÉLEVEUR d'ALPAGAS

 Cette page est un ensemble de réflexions personnelles sur ma vision de ce métier d’éleveur, les soucis rencontrés mais aussi les satisfactions qui me poussent à continuer.

Je la remanie régulièrement, il n’y a aucun objectif didactique, n’y cherchez pas une méthode pour devenir éleveur, des recettes ou des réponses à vos propres situations. Je veux juste témoigner de mon expérience à travers ce blog.

Merci à tous ceux qui me lisent et qui me font des retours par messages très sympathiques et touchants, c’est toujours un grand bonheur d’en prendre connaissance.

Petit retour en arrière...

    Mon projet initial de reconversion professionnelle concernait les chevaux… Cavalière depuis l’âge de 8 ans, les chevaux ont été la grande passion de ma vie, ils ont rythmé mes loisirs et mes vacances, et j’ai organisé ma vie à la campagne autour d’eux depuis toujours.
Formée en club classique, passionnée d’extérieur et de randonnée, d’équitation western, d’éthologie (j’ai plongé dans les formations Parelli à la Cense dès 2001), j’ai adopté le pied nu pour mes chevaux dès 2004 (j’ai participé à la création de la première association du cheval pieds nus en 2006, dont j’ai été secrétaire plusieurs années, puis présidente brièvement). J’ai organisé chez moi les premiers stages d’initiation au pied nu en France, et mis en place un des tout premiers ‘paddock paradise’ sur ma fermette en Maine et Loire…
Je rêvais depuis toujours de créer une écurie de propriétaires. Titulaire de l’éperon d’argent (équivalent ancien du galop 7) et des savoirs éthologiques, j’ai même entrepris la formation BPJEPS western dans le but de donner des cours dans ma future écurie de propriétaire…
… et puis les lamas sont arrivés dans ma vie !
J’en ai rapidement eu une dizaine, et logiquement mon projet a évolué vers une activité associant les chevaux aux lamas (mon projet en Bretagne).
Et puis après l’échec de ce projet, c’est comme éleveur de lamas et alpagas que je me suis installée en Mayenne en 2012.

    En 2012, donc, je suis passée volontairement (en démissionnant) du confortable statut de fonctionnaire de l’Éducation nationale à celui beaucoup plus aléatoire d’agricultrice élevant des petits camélidés…
    Animaux quasi-inconnus de l’administration, sans statut agricole clair, sans case dédiée au niveau comptable, sans studbook, sans prophylaxie, sans règlementation adaptée pour protéger un minimum les éleveurs qui en font leur métier, avec les charges incompressibles d’une exploitation agricole et une TVA injuste qui a bondi de 5,5 à 20% après seulement 2 ans d’installation…

    Un grand saut dans l’inconnu…

Continuer envers et contre tout...

     Je m’étais donné 5 ans pour voir si le projet était viable… et je suis en 2024 dans ma 13e saison d’élevage professionnel, j’ai du mal à y croire !
     Ce n’est pas facile tous les jours, loin de là, et je continue à me poser régulièrement la question du bien-fondé de la poursuite de mon activité… Je n’ai pas pris une journée de vacances depuis mon installation, je me consacre 24h sur 24 à ma ferme et à mes animaux, quasiment sans aide sauf un ou deux amis fidèles, avec des stagiaires parfois, et ponctuellement l’embauche d’une personne en TESA (mais il devient très difficile de trouver une personne à embaucher).

      J’assure seule la gestion des alpagas au quotidien, leur éducation et les soins, y compris vermifugations, injections, saillies, mise-bas… J’ai aménagé les parcs et stabulations pour me faciliter le travail. Il n’y a que pour la tonte et pour faire les ongles de certains alpagas que je dois solliciter de l’aide…

      Je travaille la laine à mes rares moments perdus (pas assez à mon goût, hélas), je passe des heures parfois la nuit sur Internet pour trouver des réponses à des questions vétérinaires ou pour approfondir mes connaissances, essentiellement sur les sites anglo-saxons, car les publications en français sont très rares.

    Et hélas la coopération, la solidarité, les échanges entre éleveurs, je n’ai pas su les trouver. L’impossibilité de me déplacer aller rencontrer les uns et les autres, pour participer aux concours, y est sans doute pour beaucoup… Mais comme dans tous les milieux d’élevage, hélas, on rencontre jalousie, hypocrisie et coups bas. Les amitiés qu’on croit solides se trouvent parfois battues en brèche par des « intérêts supérieurs », j’en ai fait deux très amères expériences les années passées avec des personnes que je croyais être des amies, et qui ne voyaient en moi qu’une source pratique d’informations sur les alpagas 🙁

    Par bonheur les satisfactions l’emportent encore sur les difficultés, j’adore ce que je fais, c’est un mode de vie bien plus qu’un métier. Il faut accepter de se contenter de peu, avoir une bonne résistance physique, être volontaire et autonome, bricoler suffisamment pour se dépatouiller des inévitables problèmes matériels quotidiens et réduire les coûts d’infrastructure, ne pas avoir peur des journées sans fin, accepter de vivre dans un chantier permanent et une maison en désordre qui ne sera jamais terminée, savoir encaisser les coups durs et le stress intense, emprunter sans craquer les montagnes russes émotionnelles liées à tout élevage : des moments merveilleux mais aussi des moments terriblement durs…

Mon élevage, c'est ma vie...

      Je me consacre à temps plein à mes animaux.  L’élevage est ma seule source de revenus, avec le complément des stages et de la laine.  Il ne m’est pas possible, seule, de diversifier mon activité, comme me le suggèrent parfois ceux qui ne réalisent pas le travail à temps complet (et même plus) que représente la gestion correcte d’un élevage de plus de 70 alpagas et d’une ferme en constants travaux d’aménagement !

     Suivant les années j’ai entre 15 et 25 naissances sur l’élevage. Je n’en veux pas davantage, afin de pouvoir assurer au mieux le suivi des gestations et des crias.
   
Pourquoi ai-je entre 70 et 80 alpagas sur la ferme, alors ? Les mères et leurs crias de l’année ne représentent qu’une fraction du cheptel, car il n’y a pas que des mamans en activité et leur bébé dans un élevage ! Il faut aussi inclure dans le nombre d’animaux :

  • les crias de l’année qui ne partent jamais avant leur an, même s’ils peuvent être réservés dès le sevrage
  • les jeunes femelles gardées comme futures reproductrices (pas de saillie avant 2 ans, parfois 3 ans)
  • les femelles qui n’ont pas réussi leur gestation, mais auront un cria l’année suivante si tout va bien (en moyenne on compte 2 crias sur 3 ans par femelle)
  • les femelles retirées de la reproduction, soit à cause de l’âge, soit à cause d’une pathologie ou d’un défaut qui leur interdit la reproduction
  • les mâles reproducteurs : j’ai fait le choix d’en avoir une palette importante (8/10) pour varier la génétique et travailler à l’amélioration de la fibre et de la morphologie des nouvelles générations
  • les jeunes mâles prometteurs qui restent grandir sur l’élevage pour observer leur évolution avant de prendre une décision de vente pour le loisir ou pour la reproduction (la qualité d’un mâle ne peut s’apprécier avec justesse qu’une fois adulte, et avec au moins 3 tonte pour juger l’évolution de sa fibre).

      Cela représente donc du monde à entretenir et soigner !

     Élever correctement des alpagas implique beaucoup de temps de travail. A KerLA les croisements sont pensés dans un but d’amélioration permanente de la fibre, du modèle, du caractère des alpagas. Donc les saillies se font une à une, en main, avec la présentation régulière du mâle choisi à chaque femelle, pendant toute la saison, pour s’assurer du succès de la gestation….
     C’est là que le travail d’éleveur se différencie du travail de simple « producteur » qui accouple le mâle et la femelle qu’il a sous la main… Il faut s’intéresser à la génétique, à la transmission du caractère et du modèle, faire des analyses de fibre, avoir une vision sur 5 ans des objectifs d’amélioration du troupeau, surtout quand on travaille comme moi avec des moyens financiers modestes qui ne permettent pas d’investir de grosses sommes des reproducteurs d’élite (ce qui fait gagner des années de travail).

     Les naissances s’étalaient jusqu’en 2022 sur 7 mois de l’année, d’avril à octobre, à cause de l’élasticité de la durée des gestations, de la disponibilité des mâles, et des fréquents échecs de début de gestation (une femelle peut commencer une gestation au printemps et ‘couler’ dans les 3 premiers mois, il faut parfois recommencer une saillie à la saison suivante) !
Cette période des naissances nécessite une présence et une surveillance permanentes. Pour ma part, étant seule sur la ferme, je ne prends aucun rdv extérieur, je m’absente juste pour des courses rapides ! En fait c’est quasiment un confinement plus de la moitié de l’année, la survenue du Covid en 2020 n’a guère bouleversé ma manière de vivre !  😉

     Et une fois les crias nés et en bonne santé, il faut en assurer un suivi attentif pendant 7 mois environ, jusqu’au sevrage, et ensuite les éduquer patiemment avant sélectionner ceux qu’on veut garder et voir grandir, et ceux qu’il faut bien proposer à la vente pour rentrer l’argent nécessaire à la vie de l’élevage.

Un élevage qui permet d'associer amour des animaux et éthique...

      La beauté de cet élevage, c’est qu’il n’y a par bonheur pas de « réforme » pour les animaux, comme on dit pudiquement dans les autres espèces animales (en un mot : l’abattoir pour l’animal improductif ou trop vieux !). On ne mange pas les alpagas en France, sinon d’ailleurs je n’aurais pas choisi d’en élever !
Donc les femelles infertiles, les animaux avec un défaut ou un handicap, les retraités restent dans le troupeau. Évidemment leur coût d’entretien est lissé sur les charges globales, et se retrouve imputé sur les prix de vente des animaux.
Quand vous achetez des alpagas, questionnez l’éleveur sur son éthique par rapport à l’avenir de ses animaux et la gestion de ses retraités… Vous aurez des surprises parfois !

       Bien sûr il arrive que certains de ces animaux écartés de la reproduction trouvent une nouvelle maison, comme mon trio de femelles parti dernièrement en Normandie, en avril 2024, mais certains animaux ne peuvent pas être placés, parce que trop vieux, ou avec un souci trop grave : ainsi j’ai une femelle lourdement handicapée des postérieurs, ma Olympe, qui à 8 ans vit tranquillement sa petite vie, ou encore ma Shamane, qui fait des crises d’épilepsie, ou des retraitées âgées qui coulent des jours tranquilles avec leurs copines.

     C’est une satisfaction permanente de faire naître et voir vivre ces animaux destinés à dérouler leur destin jusqu’au bout, de la naissance à leur mort naturelle, dans le respect maximum de leur nature et de leurs besoins. Leur cadeau en échange est de nous offrir leur présence tellement apaisante, de nous transmettre leur zénitude, et bien sûr leur merveilleuse fibre.

La concurrence déloyale d'un marché parallèle incontrôlé...

     Hélas le marché parallèle des particuliers et des éleveurs amateurs bat son plein, sans parler de la filière des maquignons qui importent des alpagas des pays de l’Est, devenus gros pourvoyeurs à d’animaux à bas prix (exactement comme pour les chiens, chats ou poneys). Cela au détriment des éleveurs déclarés et sérieux qui sont écrasés par cette concurrence déloyale, et plus encore au détriment des animaux victimes de méconnaissance et d’incompétence.
     On se retrouve face à des offres de vente à des prix ridicules, sur le Bon Coin notamment, sans respect de la (faible) règlementation, face à un public d’acheteurs souvent mal informé qui voit d’abord et avant tout le prix et ne réalise les soucis à prévoir avec des animaux carencés, mal éduqués, parfois imprégnés.

      De plus en plus d’éleveurs amateurs, de fermes pédagogiques et de particuliers produisent et vendent des alpagas. Ce serait un moindre mal si leur travail était sérieux, leur connaissance et leur suivi des animaux solides, que les prix étaient raisonnés pour ne pas casser le marché, que les ventes étaient faites dans les règles et les revenus déclarés comme il se doit (car soyons francs, le monde de l’alpaga, c’est le règne du marché noir)…

     Un éleveur sérieux base certes ses prix de vente sur la génétique des animaux, leur sexe, leur âge, leur fibre, leur caractère, leur potentiel de reproducteur. Mais il y a un prix plancher en-dessous duquel on vend à perte, parce qu’il y a un coût d’élevage incompressible si l’éleveur fait bien son travail !
     Chaque alpaga de l’élevage, qu’il soit de qualité supérieure ou destiné au loisir, est le fruit d’un travail de plusieurs années. Lui et ses parents sont soignés, complémentés, manipulés, éduqués, ont des séances d’ostéo régulières, sont examiné par le vétérinaire quand c’est nécessaire, sont pucés, enregistrés, vaccinés, vivent dans des infrastructures entretenues et améliorées en permanence pour leur bien-être…
     L’alpaga vendu, quel que soit son statut, bénéficie d’un certificat de bonne santé à la vente et d’un suivi après-vente permanent de la part de son éleveur…

     Hélas certains éleveurs même professionnels, pour ne pas laisser filer leur part du marché, choisissent de vendre sciemment à perte leurs crias au sevrage, juste pour vider les pâtures , en se rattrapant sur d’autres sources de revenus… C’est faire preuve d’une vision à très court terme qui contribue à dégrader la situation de l’élevage professionnel déjà bien précaire en France 🙁   

L'éleveur est-il vraiment une source d'infos gratuites et à volonté ?

     Outre la concurrence économique rude et déloyale qu’elle implique, et trop souvent la souffrance induite pour les animaux victimes de méconnaissance ou de pure bêtise, la production et la vente d’alpagas par des amateurs a une autre conséquence pénible pour les éleveurs professionnels : nous recevons de multiples appels à l’aide venant de personnes qui, après avoir acheté lamas ou alpagas à bas prix à un maquignon, comptent tout naturellement sur l’aide d’un éleveur pour faire le service après-vente et résoudre leurs problèmes, leur vendeur ayant fermé la porte dès le règlement encaissé : gros soucis de santé, manque d’éducation, troubles du comportement (le problème le plus fréquent étant les mâles imprégnés, que les gens bradent, voire donnent, pour s’en débarrasser au plus vite)…

    J’ai toujours fait le maximum pour répondre à ces demandes venant d’inconnus, par téléphone ou par écrit, souvent avec beaucoup d’amertume après coup, car cette aide est le plus souvent considérée comme un dû : elle n’est pas toujours demandée de manière aimable, et il est très rare de recevoir un simple mot de remerciement alors qu’on a fait une longue réponse détaillée par mail 🙁

     Et puis en décembre 2019 j’ai pris une belle claque qui a modifié ma position face aux personnes qui me sollicitent pour leurs lamas ou alpagas (voir encadré ci-dessous)… Désormais, sauf bien sûr s’il s’agit de mes clients, je ne réponds que rarement de manière détaillée aux questions envoyées par écrit (surtout quand on m’envoie une liste de questions dont les réponses figurent sur mon site, et qu’on me dit avoir lu mon site en détails avant de poser ces questions !). Les quelques fois où je le fais, juste pour voir, ou parce que la demande m’a émue, même constat : quasiment jamais de remerciement en retour, c’est hallucinant. 
Exemple ce monsieur qui m’a envoyé un mail avec plein de questions sur le matériel de tonte : j’ai eu la faiblesse de lui répondre de manière détaillée (alors que toutes ces infos sont déjà sur mon site, avec des photos)… J’attends toujours son « merci », je ne l’ai jamais eu !… Je dois être vieux jeu et dépassée, remercier ne se fait plus visiblement dans notre société du « tout, tout de suite » et du « j’ai droit à »…
Je réponds toujours au téléphone pour les cas d’urgence et pour les demandes de renseignements, mais je refuse d’être la source d’infos gratuite et illimitée à qui on dit crûment ‘vous êtes éleveur, vous nous devez l’information’. Non je ne dois rien au gens qui exploitent les autres et ne font pas l’effort de faire les choses correctement. J’invite donc les gens à contacter leur vendeur : toute personne qui vend doit être apte à donner des conseils corrects, sinon elle doit arrêter tout de suite !

    Heureusement qu’il y a aussi des contacts formidables, des gens très positifs et respectueux du travail des autres, des clients fantastiques devenus des amis… Je reçois de très beaux messages de remerciement pour les informations que je donne sur mon site, de très beaux courriers de reconnaissance de mon travail d’éleveur, de la part d’inconnus qui reconnaissent et partagent ma passion de la nature et des animaux, et ça fait chaud au coeur ! Ce sont ces personnes chaleureuses et/ou reconnaissantes qui me donnent envie de continuer et de partager, ces inconnus aux écrits empathiques pour lesquels je transgresse volontiers ma règle de ne plus répondre par mail…

    Merci mille fois à vous !

Petit témoignage sur une bien triste expérience…

.. récit d’une triste expérience que j’essaie d’oublier, mais qui me revient à l’esprit chaque fois que me tombe sous les yeux la note des avis publics de mon élevage sur Facebook, définitivement dégradée par la seule intervention, en décembre 2019, d’une personne à laquelle j’ai pourtant consacré du temps, de longues explications écrites, et qui m’a agressée sans raison et a menti effrontément…

Cette jeune dame d’Ille et Vilaine, dont le pseudo sur Facebook est Ame Lie, me contacte par Messenger à l’automne 2018 en me disant qu’elle souhaite acheter un alpaga mâle pour monter un petit élevage. Je réponds longuement à ses questions pendant 3 mois… et puis plus de nouvelles pendant plus d’un an, alors que j’avais fini mon dernier post par une question…
Jusqu’à début décembre 2019 où elle reprend contact en soirée par un court message : elle s’excuse de ne pas avoir répondu à ma dernière question (qui date d’un an !), me dit qu’elle songe à acheter une femelle, et me demande ce que je donne à manger à mes alpagas en hiver… C’est tout ! Pas un mot de plus.
Très occupée à ce moment-là, je n’ai pas pu répondre. Alors le lendemain soir elle me relance par un message constitué uniquement de points d’interrogation !… Je lui fais remarquer (poliment, je pense) que je ne peux pas être à la disposition immédiate des gens qui me contactent, hormis le suivi de mes clients pour lequel je suis très réactive, d’autant que son message ne révêtait aucun caractère d’urgence.

Malheur à moi, que n’avais-je pas écrit là !!!

Cette pauvre fille s’est jetée aussitôt sur ma page d’élevage Facebook pour rédiger un avis détestable et totalement mensonger, suivi d’une succession de posts avec de fausses accusations, comme avoir causé la mort de sa petite femelle alpaga par mon refus de la renseigner – femelle dont jamais elle n’avait jamais parlé, j’ignorais totalement qu’elle avait des alpagas puisqu’elle venait de m’écrire qu’elle songeait à en acheter !!! 

Des amis et clients m’ont soutenue dans ce long échange public avec cette folle, j’ai été à deux doigts de porter plainte pour diffamation et avec le recul je regrette sincèrement de ne pas l’avoir fait, car la politique de Facebook ne permet pas d’obtenir le retrait de ce type d’avis injurieux et totalement injustifié, je traîne donc ces échanges venimeux comme un boulet et j’ai la haine, au vrai sens du terme, pour cette personne infâme.
Vous pouvez consulter les avis de ma page Facebook pour comprendre…

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Articles récents

Brainstorming

Plus de 2 mois sans écrire d’article pour ce blog, une fois encore… La période estivale est rarement propice à passer du temps sur l’ordinateur : seule sur la ferme, j’ai beaucoup trop d’occupations à l’extérieur et avec les animaux du matin au soir…
Mais là, nous ne sommes même pas à fin septembre, et déjà la mauvaise saison pointe son nez, avec pluies intenses et rafales de vent, interdisant certaines activités extérieures…
Où est donc passé l’été ? Il a plu jusqu’à fin juillet (jamais je n’avais fait les foins aussi tard), août a été plus que mitigé avec des variations de temps ahurissantes, et septembre part à l’automne avant la date… La végétation n’a pas arrêté de pousser cette année, et comme je n’utilise absolument aucun traitement sur la ferme, je n’ai pas réussi à suivre pour l’entretien : la cour et les alentours sont envahis d’herbes folles, difficile dans ces conditions de conserver un aspect clean et accueillant pour les visiteurs. Mais je dois l’accepter, je n’ai de toutes façons pas le matériel, le temps et encore moins l’aide suffisante pour remédier à ces détails qui sont bien secondaires au regard des soucis d’élevage.

Cette saison a été compliquée, dans le fil d’une année 2024 pluvieuse et problématique à bien des niveaux. Ces dernières semaines m’ont conduite à un grand brainstorming.
Beaucoup de questions et de remises en cause en cette fin d’été…

Je me suis installée sur cette ferme quasiment à l’abandon début 2012. J’ai développé pas à pas, et seule, un élevage qui tient à peu près la route, me semble-t-il. Mais après bientôt 13 ans, beaucoup de travail, des joies et des satisfactions, mais aussi énormément de soucis, de fatigue et de déconvenues, je me retrouve plongée dans une profonde remise en cause en cet automne 2024.
Je  sais depuis longtemps que je ne suis plus trop en phase avec cette société, c’était le moteur profond de ma volonté de réorientation depuis les années 2000. J’ai adopté un mode de vie qui me convient, qui me permet de prendre la distance dont j’ai besoin, au fin fond de la campagne, avec mes animaux, tout en conservant des contacts sociaux et le goût de transmettre à travers l’accueil des clients, les visites et les formations.
Que rêver de plus ?
Peut-être une famille qui s’intéresse à ce que je fais ? Bon, ça j’ai compris que je devais en faire mon deuil.
Peut-être un environnement cordial et un bon relationnel en local pour me sentir moins seule ? Bon, ça aussi j’ai compris aussi au fil du temps que c’était un voeu pieux, et j’ai appris à faire sans, par force…
Peut-être une reconnaissance de la réalité de mon travail ? C’est là que le bât blesse vraiment, et de plus en plus. J’ai hélas choisi un élevage totalement à la marge du monde agricole, souvent mal vu et bizarrement parfois envié par ce même monde agricole : si une femme seule réussit à se débrouiller pendant tant d’années, sans aucune aide en local, c’est forcément que ça rapporte bien sans trop d’efforts, ces drôles de bestioles – on me l’a sorti plus d’une fois, ce couplet !
S’ils savaient, les envieux, la réalité de mon mode de vie et les sacrifices que ça représente ! Aucune sortie, pas un jour de vacances depuis 2012. Aucune dépense hors exigences de l’exploitation : loisirs, vêtements, meubles, exit le superflu, on reste sur l’essentiel et la récup au maximum, ma voiture est de 2001, mon tracteur de 1965, je n’ai pu acheter aucun gros outillage neuf ni même d’occasion récente pour faire tourner ma ferme : tout mon équipement et outillage est antérieur à mon installation, j’ai investi toutes mes économies – à perte – dans cette ferme pour la rendre viable… Je n’ai pas de primes PAC pour acheter du matériel tous les ans. C’est à la cloche que j’enfonce mes piquets de clôture, avec un treuil manuel que je tire mon grillage, à la pioche que je creuse des trous, je fabrique moi-même mes barrières avec des lattes de bois, j’aménage mes écuries moi-même pour réduire les coûts…
Venez voir ma maison et vous comprendrez. Tous les travaux intérieurs y sont interrompus depuis plusieurs années, faute de moyens, je n’ai même pas de chauffage autre que mon poêle à bois, la température en hiver dès qu’on s’en éloigne se situe entre 12 et 13°, voire moins encore dans certaines pièces. Je ne peux accueillir personne chez moi en hiver, il y fait trop froid !

Pourtant on m’a dit encore, il y a peu, que « j’ai de la chance, j’ai des animaux qui se vendent cher », et quelqu’un de bien intentionné m’avait affirmé que « étant donné la plus-value que je fais sur mes animaux, je n’ai pas besoin d’aides PAC ».
Quelle est leur référence : le prix d’un mouton ou d’une chèvre ?
Quand je vends un mâle castré de 2 ans, son prix oscille entre 1200 et 1500€HT (les mâles castrés ont constitué l’essentiel de mes ventes cette année). Alors oui, c’est nettement plus cher qu’une chèvre, mais il faut connaître les coûts de revient de ce type d’élevage pour pouvoir juger. Il faut comparer ce qui est comparable !
Ce jeune mâle vendu castré à 2 ans, il est venu au monde après presque un an de gestation, il a fallu acheter et entretenir des parents aux bonnes origines (donc pas achetés 300€ sur le Bon Coin), puis il a nécessité 2 ans d’entretien soigné, de prises de risque et de travail (pour l’anecdote, les aliments spécifiques achetés en Belgique, c’est 5000HT€/an dans mon budget d’élevage, l’équivalent du prix de vente de 4 mâles castrés). Ajoutons les séances ostéo pour garantir l’intégrité de l’alpaga, les copros régulières, les vermifuges et les compléments adaptés, les vaccins, le suivi véto, l’adaptation permanente des infrastructures pour un meilleur bien-être des animaux ; le temps consacré à l’éducation, et bien sûr le coût de la castration, de l’identification, du certificat vétérinaire de santé… Au final il ne reste pas ou très peu de marge sur de tels prix de vente ! Pour peu qu’il y ait eu le moindre souci de santé pour la mère ou le jeune, ou qu’il y ait eu besoin du véto à la mise-bas, on plonge largement en-dessous du prix de revient !
Oui de temps en temps je vais réussir à vendre un très bon reproducteur, mâle ou femelle, à un prix plus élevé qui va me permettre d’amortir un peu les pertes et de lisser les coûts d’exploitation pour éviter le déficit, mais c’est toujours aléatoire, c’est être en permanence sur la corde raide… « I walk the line », comme diraient les fans de Johnny… Cash…
Je n’ai pas 150 naissances dans l’année : j’en ai entre 15 et 20. Alors faites le calcul du revenu possible à l’année avec en moyenne 60% de crias mâles (80% même cette année), dont 9 sur 10 sont vendus castrés… Avec le pourcentage de pertes inévitable, la relève du cheptel à assurer, vous croyez vraiment que le chiffre d’affaire annuel peut être faramineux ?
Et là dessus venez greffer les charges fixes et les frais incontournables (aliments, véto, assurances, entretien des animaux improductifs, des infrastructures, frais administratifs d’élevage….). Il ne reste pas grand chose, croyez-moi.

Et la situation se complique de plus en plus depuis quelques années, car le marché est inondé d’alpagas à bas prix (en « don gratuit », même, par centaines sur le Bon Coin !) produits n’importe comment par une multitude de nouveaux acteurs qui souvent n’y connaissent pas grand chose, font naître « juste pour le plaisir », dans des conditions inadaptées aux besoins fondamentaux des alpagas, ou importent des pays de l’Est (une véritable filière de maquignons qui revendent en France des animaux importés à bas prix s’est mise en place, c’est à vomir).
Le rôle dévolu à l’éleveur sérieux aujourd’hui en France ? Simple standard téléphonique pour dispenser des conseils gratuits aux acheteurs de ces pauvres alpagas produits et vendus n’importe comment : au bout de quelques semaines ou de quelques mois, quand les soucis arrivent, que ces pauvres animaux commencent à tomber malades ou même à mourir, on se tourne vers les éleveurs pour avoir des infos et des conseils, parce que eux, ils savent, c’est leur métier, ils DOIVENT répondre et donner de leur temps, s’ils aiment vraiment les animaux (et les insultes fusent si on a le malheur de faire une remarque sur l’inconséquence des gens).
Non, notre métier n’est pas de dispenser gratuitement, à toute heure et sans limite des conseils à tous ceux qui ont acheté un alpaga comme on achète un objet de décoration chez Ikéa, « parce que c’est mignon », ou parce que « mon fils de 4 ans en rêvait »…
Notre travail, ce n’est pas de faire le suivi après-vente à la place des vendeurs abrutis et des maquignons qui ferment la porte dès la vente réalisée !
Oui, on aime nos animaux, et c’est pourquoi on ne veut pas, en faisant le travail de ces vendeurs véreux à leur place, faire perdurer ces odieux trafics : quand quelqu’un nous appelle parce qu’il vient d’acheter un alpaga à un cirque « pour lui sauver la vie », il faut lui dire en face qu’il n’a pas sauvé la vie d’un animal, bien au contraire, il a participé activement à ce vaste trafic en étant client, et l’alpaga est déjà remplacé par deux autres pour alpaguer les prochains bons samaritains prêts à se faire avoir ! C’est une chaîne sans fin, ce n’est qu’en refusant d’y participer que ce trafic pourra s’arrêter (exactement comme pour les autres animaux domestiques). Et il faut dénoncer les agissements de ces trafiquants pourris.
A ce rythme, il n’y en aura bientôt plus, des éleveurs sérieux, du moins ceux qui ont choisi de consacrer leur vie professionnelle à leur animaux : parce que nous n’aurons plus de clients pour nous permettre d’assumer nos charges et nos coûts d’exploitation, et nous devrons mettre la clé sous la porte quand nous n’avons que notre élevage et notre bonne volonté pour vivre !
Notre travail, c’est de faire naître et d’élever de bons animaux sains et équilibrés, de les éduquer et de les vendre en confiance, de bien conseiller et former les acheteurs s’ils sont néophytes, et d’assurer le suivi de NOS animaux vendus.
Je n’ai jamais refusé de répondre, par mail ou par téléphone, à une demande d’aide urgente, quand la vie d’un animal est en jeu. Mais ça se répète encore et encore, toujours ces mêmes situations de problèmes récurrents suite à des achats à prix bas à des vendeurs pourris.
Des acheteurs qui s’en mordent les doigts, qui réclament (voire exigent) de l’aide, qui voudraient même qu’on les plaigne d’avoir d’avoir été floués… Alors non, désolée, dans la plupart des cas vous n’avez pas été floués ! Dans la plupart des cas, vous avez fermé les yeux sur la réalité juste parce que vous vouliez faire une bonne affaire : un alpaga à bas prix, deux voire trois fois moins cher que chez un éleveur, c’est top ! Dans la plupart des cas vous n’avez pas cherché à vous informer correctement, avant d’acheter, sur les besoins particuliers de ces animaux, sur les exigences de leur détention, sur les risques… Les informations en ligne ne manquent pas sur les sites des associations ou des élevages, nul n’a le droit de dire à l’heure actuelle « on ne savait pas ».
Régulièrement, j’ai des demandes d’achat d’animaux, il y a le pire et le meilleur, bien sûr. Mais de plus en plus souvent le pire, à cause de la mode de l’alpaga vu comme une peluche, et hélas de la bêtise humaine. Parfois même la demande commence par « on a lu attentivement les infos que vous donnez sur votre site », pour une entrée en matière sympa… et juste après, on me dit qu’on veut « un alpaga pour mettre avec 3 chèvres dans 1500m² »… Ou qu’on veut « une femelle pour mettre avec les 3 mâles du voisin pour avoir un petit, parce qu’on adore les bébés animaux »… (ces deux exemples sont véridiques).
Je réponds patiemment, je prends le temps, au téléphone, d’expliquer ce qu’il en est (parfois on me raccroche au nez en me disant qu’on va trouver un vendeur moins con – c’est-à-dire plus conciliant), ou j’écris un mail détaillé… auquel on ne me répondra pas, le plus souvent, parce que ce que je dis n’est pas du tout ce que les gens veulent entendre !…

C’est démoralisant de constater à quel point la notion de bien-être animal est à géométrie variable. Avoir des animaux, quels qu’il soient, c’est avant tout bien s’informer sur eux pour respecter leurs besoins fondamentaux et leur nature, et pas les modeler pour en faire ce que nous voudrions qu’ils soient. Trop de gens veulent des animaux soit pour flatter leur ego (on le voit avec certaines races de chiens), soit pour amuser les enfants (et ça avec les alpagas c’est drapeau rouge immédiat), soit par pur anthropomorphisme (et ça c’est un mal de société grandissant, l’animal remède au mal-être… que l’on rend malheureux à son tour).

Bref tout ça se mélange dans mon brainstorming pour arriver à une conclusion évidente : je n’ai plus envie de faire naître des alpagas, du moins pour les vendre.
L’avenir des alpagas en France est à mon avis bien sombre, à moins que les vrais éleveurs réussissent enfin à faire sauter leurs dissensions, mettent un mouchoir sur leurs egos et leurs conflits de personnes pour faire avancer la cause commune dans le sens du respect de cet animal si particulier.
Mais on en est loin, et moi je n’ai plus que quelques années avant la retraite, j’en ai marre de travailler en vain à faire passer un message et à avoir une éthique qui me fait refuser 9 ventes sur 10, et qui fait ricaner tous ceux qui vendent à tour de bras sans se soucier du devenir de leurs animaux.

J’ai donc décidé de réorienter mon activité différemment pour les années à venir.
Je vais (à contrecoeur) me séparer de la plus grande partie de mes femelles reproductrices dans les 18 mois qui viennent. Je garderai mes chouchoutes, et toutes mes « vieilles » de plus de 8 ans, qui auront une retraite précoce bien méritée.
Les quelques crias que je ferai naître à l’avenir ne partiront que chez des personnes de confiance, ou resteront avec moi.
Je suis en train de me constituer le troupeau de mâles de belle qualité, la plupart castrés, dont je rêvais depuis mes débuts, qui sera mon fournisseur de belle fibre pour l’intensification de mon activité de production de belle laine filée main et d’articles tricotés.
Je vais développer les visites, avec des formes nouvelles et plus interactives dans la manipulation et la connaissance des animaux, et bien sûr continuer les formations pour oeuvrer à la diffusion des bonnes pratiques concernant les petits camélidés.
Et peut-être (peut-être) irai-je développer ce nouveau projet ailleurs… Mais là rien n’est encore défini.

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