LA TONTE DES CRIAS
La pratique de tondre les tout jeunes crias de l’année, entre 15 jours et 3 mois, est répandue dans le monde des éleveurs anglo-saxons, mais très peu pratiquée en France, par méconnaissance mais aussi et surtout, je pense, par manque de tondeurs proposant ce service. L’idéal étant de tondre soi-même pour pouvoir effectuer cette tonte au bon moment.
Quand tondre un cria ?
Cette tonte n’est envisageable que pour les crias nés au printemps, il est déconseillé de la pratiquer trop tard dans l’été, afin de ne pas priver le cria de l’épaisseur de toison nécessaire à sa protection en automne et en hiver.
Personnellement je me fixe le 1er août comme date limite de tonte des crias, donc ceux seuls ceux nés avant début juillet sont tondus.
Je tonds un cria à partir de 3 semaines d’âge.
Pourquoi tondre un cria de quelques semaines ?
Le cria naît avec une longueur de fibre déjà conséquente : selon les génétiques et la durée de gestation, son poil mesure entre 3 et 6cm de longueur à la naissance.
Et ce poil de naissance, abîmé par le liquide amniotique, est crochu à son extrémité : comme du velcro, il accroche toutes les saletés et les débris de végétaux entre la naissance du bébé et sa première tonte l’année suivante, rendant la plupart du temps cette première toison en grande partie irrécupérable car impossible à nettoyer.
Pour l’éleveur qui travaille à la production d’une fibre de qualité et fait des croisements de haute génétique, c’est inconcevable de perdre la toison de première tonte, la meilleure que l’alpaga donnera jamais !
J’entends déjà les cris d’orfraie de certains défenseurs extrémistes des animaux, ceux qui voudraient interdire la tonte des animaux à laine sous prétexte de maltraitance : « encore des arguments purement économiques pour justifier une pratique cruelle » !
Mais non, bien au contraire, l’argument du bien-être animal est tout aussi important pour nous éleveurs : le cria né tôt dans la saison se retrouve, en période estivale (particulièrement en cette année caniculaire) avec une quantité de fibre qui lui donne trop chaud, qui le fatigue, et par conséquence qui réduit sa croissance et son bon développement !
C’est un bonheur immense de voir les crias fraîchement tondus jouer, se rouler avec délectation et s’étendre au soleil pour profiter au mieux de la vitamine D !
Au sujet de la tonte en général, j’en profite pour rappeler que l’alpaga n’a jamais été un animal sauvage : il est le résultat d’une sélection génétique faite par l’homme, donc s’opposer à la tonte au nom du respect de la Nature « qui fait bien les choses » et au nom du bien-être et de l’intégrité de l’animal est d’une stupidité sans nom : c’est ne pas tondre qui est de la maltraitance !
Quelles précautions pour cette tonte cria ?
Évidemment tondre un petit de quelques semaines demande beaucoup de délicatesse dans les manipulations et la contention, un geste sûr avec la tondeuse, et surtout de la rapidité. Quelques minutes chrono !
Il ne faut séparer le cria de sa mère qu’aussi peu de temps que possible : ici la maman reste à côté, juste derrière une claie par sécurité, et son cria la rejoint dès la tonte terminée.
Et surtout il faut veiller à ne pas tondre la queue et la tête du bébé : la maman va les flairer pour identifier son cria et le ré-accepter malgré son apparence changée.
Les exemples de rejet dont on entend parler viennent la plupart du temps de gros élevages qui ont un grand nombre de crias : il leur faut la journée pour tondre tous les bébés, en groupe, qui ne retrouvent leur maman que le soir. Le stress et le nombre font que la femelle n’a plus de repères et rejette ce bébé inconnu qui cherche à la téter.
Même si la situation se régularise en général en quelques heures, je préfère l’éviter ! Je n’ai jamais eu de rejet du cria par la maman après la tonte, tout juste quelques minutes d’hésitation dans un ou deux cas.
De toutes façons l’important est de tondre le manteau (dos et flanc) : c’est la fibre de première catégorie, et celle qui donne chaud au bébé.
Le choix de tondre le reste du corps n’est qu’esthétique, et comme je cherche à réduire au maximum la durée de cette tonte, je ne fais que l’essentiel, le manteau et le cou.