LA LAINE

LA LAINE d’ALPAGA

Toison brute d’alpaga – KerLA 2020

La laine d’alpaga est une fibre haut de gamme réputée : elle est très fine, plus douce et plus résistante que la laine de mouton, et surtout beaucoup plus chaude ! Elle ne contient pas de suint (ce qui la rend agréable à travailler) et elle est hypoallergénique, c’est-à-dire non-irritante (idéale pour les personnes qui ne supportent pas le contact prolongé de la laine de mouton).

Toutes les laines d’alpaga du marché sont loin de se valoir : la qualité des toisons varie considérablement d’un animal à l’autre en fonction de sa génétique et de son âge.

Chaque toison est unique et, outre sa couleur, se caractérise par toute une série de critères, certains visuels et tactiles, d’autres analysés en laboratoire : finesse, densité, brillance, uniformité, structure, longueur des fibres, stabilité de la pousse annuelle…

Plus une fibre est fine, plus elle résulte d’un travail de sélection… et plus la toison s’allège : une toison à 40 microns pèse, à nombre de poils égal, 2 ou 3 fois plus lourd qu’une toison à 14 microns. Mais comme la plupart des gens vendent et achètent les toisons au kilo sans souci de qualité, la toison grossière rapportera 2 ou 3 fois plus à son vendeur… Il suffit de consulter les annonces : on propose « de l’alpaga » au poids. Quasiment jamais de mention de qualité, encore moins d’analyse de fibre (qui devrait pourtant accompagner toute vente). Où est la logique ? Où est la reconnaissance du travail de l’éleveur ?

Le travail de l’éleveur sérieux est d’investir dans des animaux de qualité pour réaliser les croisements qui permettront d’obtenir une toison toujours plus fine, dense et uniforme, et surtout avec une durabilité de ces qualités au long de la vie de l’animal, pas seulement sur ses premières tontes.

L’analyse de fibre annuelle systématique, encore bien peu utilisée, est l’outil indispensable pour assurer le suivi.


Fibre alpaga

Fibre de Olympe de KerLA – alpaga huacaya grise – 2017

La fibre d’alpaga HUACAYA pousse perpendiculaire au corps.

Elle doit être fine, brillante, avec du crimp (belle ondulation naturelle  régulière), uniforme dans sa finesse et dans sa répartition sur le corps, avec une bonne densité et le moins de poils de garde possible (longs poils plus épais).

Mèches alpaga suri

Mèches de ZINCALA, alpaga suri gris-rose – élevage KerLA – 2017

Chez l’alpaga SURI, la fibre forme des mèches bien distinctes qui prennent naissance au plus près de la peau et doivent être denses, fines et lustrées.
Plus lisse et plus délicat à filer que le huacaya, le suri est une fibre d’exception. Il est préférable de la peigner plutôt que de la carder pour bien la valoriser de manière artisanale.

Nappes de fibres huacaya et suri mélangées au cardage

Le suri se marie très bien avec la soie, qui l’allège et intensifie son lustre.
Les fibres HUACAYA et SURI peuvent être mélangées au cardage, pour un rendu étonnant au filage.

 

 

LES TEINTES NATURELLES :

La laine d’alpaga disponible dans le commerce et issue de filière industrielle est le plus souvent de la laine blanche qui a été teintée. D’ailleurs pendant longtemps la sélection s’est faite uniquement sur les animaux blancs : le travail des éleveurs sur l’amélioration des alpagas de couleur est récent. 

Pourtant il existe une palette de 22 teintes naturelles officielles chez l’alpaga ! Cette palette a récemment été réduite à 16 teintes pour faciliter l’identification des robes et la commercialisation des fibres :

LA TRANSFORMATION  DE LA FIBRE :

Actuellement, hélas, les prix de vente pratiqués en France, pour les toisons comme pour les écheveaux et pelotes, sont globalement  beaucoup trop bas pour pouvoir valoriser correctement cette fibre exceptionnelle dans une filière française respectueuse des animaux et de la matière.

Pour trop d’éleveurs encore, la valeur réside dans l’alpaga beaucoup plus que dans sa fibre, dont la vente souvent permet parfois tout juste de payer le tondeur.
Ces éleveurs font le choix absurde de vendre leurs toisons brutes au plus vite après la tonte, à prix bas, puis d’écouler en boutique des laines importées, qui leur reviennent beaucoup moins cher que s’ils avaient fait transformer leurs toisons ! On marche sur la tête 🙁 

D’autant que parfois ces laines importées vendues en boutique sont déclarées issues de leurs propres animaux…  Mensonge éhonté, tromperie du client : seule une micro-filature permet de récupérer la toison de ses propres animaux, or quand on connaît le prix de transformation au kg d’une toison en micro-filature, c’est facile de comprendre que des écheveaux et pelotes vendus à petit prix NE PEUVENT PAS être issus de leurs propres toisons !

Ça s’appelle casser le marché, dévaloriser sa propre production, étrangler la possibilité de créer une filière laine viable à moyen et long terme… C’est incompréhensible, d’autant que le plus souvent l’argument pour vendre un alpaga un bon prix est celui de la qualité de la toison !
Comprenne qui pourra 🙁

Ces prix de vente bas affichés par certains éleveurs et particuliers, ajoutés aux importations à bas prix d’Amérique latine, et désormais de Turquie et de Chine, devenus gros producteurs ces dernières années (imaginez le bien-être animal dans ces pays) alimentent l’idée largement répandue et absurde que l’alpaga est une superbe matière… MAIS qu’elle ne coûte pas très cher !  Il suffit de suivre les forums liés à la laine sur les réseaux sociaux pour s’en rendre compte.

Quelle différence avec la filière du mohair (chèvre angora), qui a su s’organiser autour de la matière noble produite et qui fait vivre ses producteurs par une valorisation réelle de la fibre, avec des prix de vente qui rémunèrent le travail des éleveurs.

Ce mépris pour la valorisation de la fibre d’alpaga s’explique facilement : importé d’Amérique latine depuis moins de 3 décennies, l’alpaga a d’abord été un produit de luxe en tant qu’animal : un alpaga de qualité médiocre se négociait à des prix élevés il y a encore une quinzaine… Peu d’éleveurs avaient alors envie de s’embarrasser à valoriser les toisons. On ne tondait que par obligation pour la santé de l’alpaga, et même si la toison jouait un rôle important pour l’esthétique et l’appréciation de l’animal en concours, une fois tondue elle encombrait : on l’écoulait dans une filière industrielle, sinon on la stockait dans des greniers ou on s’en débarrassait à bas prix (quand on ne la brûlait pas !).

Les temps ont changé, les prix moyens des alpagas ont fortement baissé,sont même devenus souvent trop bas pour faire vivre un élevage, alors la fibre suscite un regain d’intérêt depuis quelques années. Mais pourtant la réflexion sur sa nécessaire mise en valeur n’évolue que très lentement.
Comment est-ce possible que nombre d’éleveurs ne fassent toujours pas d’analyse systématique annuelle de la fibre de leurs alpagas ? Qu’ils continuent à brader leurs toisons brutes et qu’ils proposent des reproducteurs sans évaluer correctement la qualité de leur fibre ?

Alors comment valoriser ses toisons ?

Pour simplifier, on peut dire qu’il y a actuellement 4 filières pour la transformation des toisons d’alpaga.

Chaque éleveur a ses propres critères de fonctionnement, et son choix d’utiliser l’une ou l’autre filière est tout à fait respectable. Toutefois, par correction vis-à-vis du client acheteur de laines, il faudrait davantage de transparence dans les boutiques de chacun : provenance et qualité des fibres, lieu et mode de transformation… Vendre comme ‘laines françaises’ ou ‘alpaga de notre élevage’, sans autre précision, des fibres transformées industriellement à l’étranger et mélangées à des toisons de toutes origines, est-ce éthique ?

La filière Alpalaine :

L’association Alpalaine est née avec l’arrivée des premiers petits camélidés en France pour l’élevage, dans les années 1990. Les éleveurs adhérents regroupent leur production de toisons, qui sont triées par lots de couleurs puis transformées en filature puis tricotés en produits finis en manufactures, en Italie majoritairement (les sites de transformation ont varié au fil des années).
Les éleveurs récupèrent ensuite des pelotes ou des produits tricotés standardisés, au prorata de leur part de toisons, pour un coût qui leur permet de faire une marge correcte tout en vendant à prix peu élevé…
Mais il n’y a aucune traçabilité possible, les fils vendus en boutique ne proviennent pas des animaux de l’élevage (d’ailleurs actuellement les fils proposés sont en mélange alpaga/mérinos), et le traitement industriel ne préserve pas toutes les qualités de la fibre.
C’est une manière de valoriser une production annuelle de toisons de qualité moyenne, certes, mais cela ne permet pas de valoriser l’alpaga pour la fibre de luxe qu’il est, ni de pousser à l’amélioration génétique des animaux, puisque le poids de la toison est le seul critère pris en compte.

La filière ARSEN :

Née en 2018, l’association ARSEN avait comme projet la mise en place d’une filière laine d’alpaga 100% française. Les adhérents (particuliers et éleveurs) mettent leurs toisons en commun, se réunissent pour les trier, les regrouper par couleurs et par catégories de finesse. Certains préfèrent vendre leurs toisons à l’association que récupérer du fil.
Les étapes de la transformation sont assurées dans diverses entreprises françaises ou européennes, pour un coût global nettement inférieur à celui d’une micro-filature, mais là aussi sans traçabilité de l’animal au fil.

Outre la naissance bienvenue d’une filière française, cette initiative peut certainement inciter davantage les éleveurs à valoriser leurs toisons et à chercher à les améliorer. Mais là encore l’éleveur qui produit des fibres ultra-fines n’a aucun intérêt à participer à cette production groupée : ses toisons de 16 ou 17µ se trouvant mélangées à des fibres de 22-24µ, il récupère un fil qui ne reflète pas la qualité de ses animaux, et en plus les toisons très fines étant plus légères à densité égale que les toisons plus grossières, il est perdant dans l’échange toison brute contre laine filée.

Il faudrait que les toisons de qualité supérieure soient réellement mises en valeur par la suite au sein de cette filière, peut-être avec la création d’une catégorie supplémentaire réservée aux toisons de moins de 20µ, par exemple. Mais pour cela il faut une quantité suffisante à l’échelle du territoire, et il faudrait une volonté réelle de faire de la laine une activité rentable pour l’éleveur, comme c’est le cas pour le mohair.
Et surtout, à mon humble avis, il faudrait que cette filière n’annonce pas comme objectif d’avoir des coûts de transformation réduits pour vendre les laines obtenues au prix le plus bas possible !
Des coûts de transformation bas, oui, c’est bien, mais pas pour baisser les prix et dévaloriser l’alpaga ! Au contraire, cela devrait permettre aux éleveurs de dégager une marge satisfaisante et ainsi insuffler un vrai dynamisme à la filière (comme dans le mohair), ce qui encouragerait les éleveurs à investir dans de bons animaux pour produire une fibre de qualité.
Je donne ici un avis personnel de productrice de laine de qualité impactée par cette situation : le prix auquel ARSEN proposait à la vente publique ses premiers cônes après transformation était insultant pour les éleveurs, et représentait même une concurrence déloyale pour les professionnels déclarés soucieux d’une valorisation raisonnée de leurs fibres.

La filière des micro-filatures françaises :

Les micro-filatures artisanales (Belfast Mini Mills, produites par un fabricant canadien) se sont développées en Europe depuis une vingtaine d’années.
La France en compte désormais 5, présentées ici par ordre chronologique d’installation :
– Filature de la Vallée des Saules (Nord)
– Filature de la Bardine (Gironde)
– Petite filature bretonne (Côtes d’Armor)
– Filature ASSTEQ (Corrèze)
– Filature de l’Aubepierre (Allier)
Ces micro-filatures travaillent toison par toison (lots de 1 à 4kg) et donc garantissent aux éleveurs soucieux de traçabilité de récupérer les fils issus de leur propre production, avec identification des animaux producteurs. De plus ces filatures travaillent sans traitement chimique et avec des contraintes mécaniques faibles : l’intégrité de la fibre et respectée et donc la durabilité des laines beaucoup plus grande que dans la transformation industrielle.

L’alpaga, fibre de luxe, mérite bien ce traitement privilégié (du moins les toisons de qualité), mais évidemment les coûts de transformation sont beaucoup plus élevés qu’en transformation industrielle ! Il faut donc que le consommateur accepte de payer plus cher pour avoir un produit de qualité, français, identifié et traçable.

La transformation manuelle au rouet :

Le travail manuel de la fibre est en plein boom en France, et c’est réjouissant. Activité ancestrale, le filage (au fuseau ou au rouet) retrouve ses lettres de noblesse, et les fibres de qualité sont enfin propulsées à la lumière.

Filer implique d’apprendre à connaître la fibre, sa structure, ses qualités intrinsèques… A lire des analyses de fibre, à sélectionner des toisons de qualité, à préférer la qualité à la quantité !
La personne qui file, en amatrice éclairée ou en professionnelle, sait qu’une toison de grande qualité, très fine, uniforme et bien structurée, coûte cher, mais qu’elle donnera un fil exceptionnel et unique…
Le prix d’un écheveau filé main est évidemment supérieur à celui d’un écheveau de micro-filature, et plus encore à celui d’un écheveau produit industriellement, mais c’est un produit original et unique, et infiniment plus résistant dans le temps.

Pour ma part si j’envoie encore une petite partie de ma production en micro-filature française, faute de temps pour tout filer moi-même, j’essaie désormais d’écouler l’essentiel de ma production en vente directe, sous forme de toisons brutes de qualité, soigneusement triées, de nappes cardées, et d’écheveaux filés à la main.

Je vous invite à découvrir les étapes du travail de la laine, du tri de la toison à la pelote, dans les pages ci-dessous :

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TONTE 2025

La tonte 2025 a eu lieu exactement aux mêmes dates que l’an dernier : les 4 et 5 mai, ainsi que 6 mai au matin.
Merci à Pascal, tondeur émérite qui vient à KerLA depuis la création de l’élevage en 2012, et merci aux personnes venues donner un précieux coup de main pour ces journées intenses et essentielles à la vie de l’élevage : deux journées et demi pour tondre 66 alpagas (il me reste mes 4 retraitées à tondre debout, dès que la météo se sera améliorée).
66 alpagas tout graciles et élégants, débarrassés de leur lourde toison et heureux de sentir le soleil sur leur peau et de pouvoir se rouler et se gratter à loisir (ils ne s’en privent pas), bien que les fortes chaleurs se soient arrêtées juste la veille de la tonte : les deux premières nuits, il a même fallu calfeutrer soigneusement tout le monde dans les abris, le vent de nord-est était carrément glacial. Mais pas une goutte d’eau pendant ces journées, ni après, contrairement aux prévisions alarmantes qui m’avaient fait crainte de devoir tondre sous le déluge ! (une galère potentielle, puisqu’il faut que les toisons soient bien sèches pour ne pas être abîmées).

66 alpagas tondus, donc 66 sacs de toisons à trier !
Des jours et des jours de travail en perspective !

Je rappelle que la tonte annuelle est INDISPENSABLE au bien-être des alpagas : sans elle, ils peuvent mourir de stress de chaleur. Leur toison qui ne mue pas est le résultat d’une sélection par l’humain, et ils ne sont plus du tout aptes à vivre à l’état sauvage sans intervention humaine. Renseignez-vous avant de nous abreuver d’injures et de nous enjoindre de relâcher « ces pauvres alpagas » dans leurs montagnes (qu’ils n’ont jamais connues et où ils seraient bien incapables de survie seuls).
Oui la tonte couchée en contention peut apparaître comme une torture quand on regarde les photos. Mais pour récupérer une toison intacte, pour pouvoir faire les dents en toute sécurité, pour éviter au maximum le risque de blessures pour l’animal comme pour le tondeur, et aussi pour pouvoir tondre en un minimum de temps les dizaines d’animaux d’un élevage, il est souvent préférable de coucher les alpagas. Faite avec calme, douceur et adresse, la tonte couchée ne représente qu’un stress minimal et bref. Cette année, à KerLA, seuls 3 animaux ont protesté bruyamment (dont 2 femelles âgées coutumières du fait, par principe) ; sur 66 tondus, c’est peu.
Je pratique aussi la tonte debout avec les alpagas, comme je le faisais pour les lamas, mais à vrai dire les mouvements parfois très nerveux de certains animaux, et les risques de blessure qui y sont liés, me font vraiment préférer la tonte couchée.

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