La tonte des crias

LA TONTE DES CRIAS

Crias 2022 après la tonte : de gauche à droite XÉNA, VALKYRIE et ZÉPHYR

La pratique de tondre les tout jeunes crias de l’année, entre 15 jours et 3 mois, est répandue dans le monde des éleveurs anglo-saxons, mais très peu pratiquée en France, par méconnaissance mais aussi et surtout, je pense, par manque de tondeurs proposant ce service. L’idéal étant de tondre soi-même pour pouvoir effectuer cette tonte au bon moment.

Quand tondre un cria ?

Cette tonte n’est envisageable que pour les crias nés au printemps, il est déconseillé de la pratiquer trop tard dans l’été, afin de ne pas priver le cria de l’épaisseur de toison nécessaire à sa protection en automne et en hiver.
Personnellement je me fixe le 1er août comme date limite de tonte des crias, donc ceux seuls ceux nés avant début juillet sont tondus.
Je tonds un cria à partir de 3 semaines d’âge.

Pourquoi tondre un cria de quelques semaines ?

ZARINA avant la tonte le 6 juin, âgée de 3 semaines

ZARINA juste après la tonte, faite le 8 juillet

Le cria naît avec une longueur de fibre déjà conséquente : selon les génétiques et la durée de gestation, son poil mesure entre 3 et 6cm de longueur à la naissance.
Et ce poil de naissance, abîmé par le liquide amniotique, est crochu à son extrémité : comme du velcro, il accroche toutes les saletés et les débris de végétaux entre la naissance du bébé et sa première tonte l’année suivante, rendant la plupart du temps cette première toison en grande partie irrécupérable car impossible à nettoyer.
Pour l’éleveur qui travaille à la production d’une fibre de qualité et fait des croisements de haute génétique, c’est inconcevable de perdre la toison de première tonte, la meilleure que l’alpaga donnera jamais !

J’entends déjà les cris d’orfraie de certains défenseurs extrémistes des animaux, ceux qui voudraient interdire la tonte des animaux à laine sous prétexte de maltraitance : « encore des arguments purement économiques pour justifier une pratique cruelle » !

Mes crias après la tonte 2022 : heureux de vivre !

Mais non, bien au contraire, l’argument du bien-être animal est tout aussi important pour nous éleveurs : le cria né tôt dans la saison se retrouve, en période estivale (particulièrement en cette année caniculaire) avec une quantité de fibre qui lui donne trop chaud, qui le fatigue, et par conséquence qui réduit sa croissance et son bon développement !
C’est un bonheur immense de voir les crias fraîchement tondus jouer, se rouler avec délectation et s’étendre au soleil pour profiter au mieux de la vitamine D !

Au sujet de la tonte en général, j’en profite pour rappeler que l’alpaga n’a jamais été un animal sauvage : il est le résultat d’une sélection génétique faite par l’homme, donc s’opposer à la tonte au nom du respect de la Nature « qui fait bien les choses » et au nom du bien-être et de l’intégrité de l’animal est d’une stupidité sans nom : c’est ne pas tondre qui est de la maltraitance !

Quelles précautions pour cette tonte cria ?

Évidemment tondre un petit de quelques semaines demande beaucoup de délicatesse dans les manipulations et la contention, un geste sûr avec la tondeuse, et surtout de la rapidité. Quelques minutes chrono !
Il ne faut séparer le cria de sa mère qu’aussi peu de temps que possible  : ici la maman reste à côté, juste derrière une claie par sécurité, et son cria la rejoint dès la tonte terminée.
Et surtout il faut veiller à ne pas tondre la queue et la tête du bébé : la maman va les flairer pour identifier son cria et le ré-accepter malgré son apparence changée.
Les exemples de rejet dont on entend parler viennent la plupart du temps de gros élevages qui ont un grand nombre de crias : il leur faut la journée pour tondre tous les bébés, en groupe, qui ne retrouvent leur maman que le soir. Le stress et le nombre font que la femelle n’a plus de repères et rejette ce bébé inconnu qui cherche à la téter.
Même si la situation se régularise en général en quelques heures, je préfère l’éviter ! Je n’ai jamais eu de rejet du cria par la maman après la tonte, tout juste quelques minutes d’hésitation dans un ou deux cas.

De toutes façons l’important est de tondre le manteau (dos et flanc) : c’est la fibre de première catégorie, et celle qui donne chaud au bébé.
Le choix de tondre le reste du corps n’est qu’esthétique, et comme je cherche à réduire au maximum la durée de cette tonte, je ne fais que l’essentiel, le manteau et le cou.

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Éthique et castration

Comme chaque année à cette saison, le vétérinaire est venu mi-novembre castrer un groupe de jeunes mâles destinés au loisir.
C’est une intervention brève, qui se réalise sur l’alpaga debout, légèrement sédaté et avec anesthésie locale. Un antidouleur/anti-inflammatoire et un antibiotique préventif (pénicilline) sont administrés avant l’intervention.
Certains mâles montrent un peu d’inconfort pendant quelques heures après dissipation de l’anesthésie locale, mais au bout de 24h ils sont revenus à leur comportement normal, tout est oublié.

Après quelques jours de surveillance de la cicatrisation, ils pourront partir comme alpagas de compagnie faire le bonheur de leur nouvelle famille sans développer, en arrivant à l’âge adulte, les comportements bagarreurs parfois très violents typiques des mâles entiers. Et, en bonus, leurs dents de combat ne se développeront pas, ce qui supprime également un souci majeur pour le propriétaire qui n’a pas toujours un tondeur ou un vétérinaire prêt à limer ces crocs potentiellement dangereux qui sortent à partir de 24-30 mois sous l’effet des hormones.

Alors pourquoi si peu d’éleveurs proposent-ils des mâles castrés ?
La réponse est évidente : un mâle ne doit pas être castré avant ses 12 mois au minimum, voire plus si son développement est jugé insuffisant. Donc castrer sur l’élevage représente un délai de mise en vente considérable, un coût et une prise de responsabilité que peu d’éleveurs ont envie d’assumer.
Et d’une certaine manière c’est hélas compréhensible, puisque un mâle castré de 15 mois sain, suivi et bien éduqué ne se vend pas mieux ni plus cher qu’un cria de 6 mois tout juste sevré et non éduqué… Pour ceux que l’éthique n’étouffe pas, le calcul de rentabilité est vite fait, d’autant que souvent l’objectif est de vendre les crias au plus vite afin de vider les prés pour la tournée suivante ! Alors pensez-vous, il faut être stupide pour garder des jeunes jusqu’à 14/18 mois en moyenne, investir de l’argent et beaucoup de temps pour les nourrir, les soigner, les éduquer, les castrer. Sans parler de la responsabilité que cela représente, car le risque de perte n’est pas inexistant pendant ces mois de croissance du jeune mâle.
Tout ça pour au final les vendre au même prix que le cria de 6/8 mois, voir moins, parce que (et c’est ubuesque) beaucoup d’acheteurs considèrent alors que le mâle étant castré ne vaut plus rien puisqu’il n’a plus de potentiel reproducteur…

Et je ne parle pas des pseudo-éleveurs qui arrachent le cria sous la mère sans sevrage, sans certificat vétérinaire, sans puçage évidemment, et le déposent manu militari dans la fourgonnette de l’acheteur contre espèces sonnantes et trébuchantes. Ni vu ni connu, pas de traçabilité, aucune responsabilité vis-à-vis de l’acheteur puisque ni contrat ni facture… Tout bénéf’. Alors castrer, pensez-vous, quelle idée stupide !

Et bien sûr pour contrer ceux qui préconisent de castrer les alpagas destinés au loisir chez des particuliers ou pour des activités de visite ou de médiation, certains argumentent que garder les mâles entiers ne pose pas de souci, que « chez eux », il n’y a aucun problème, que leurs clients n’en ont jamais eu non plus.
Ben voyons…
Sauf que des témoignages ces clients qui se retrouvent embarrassés par leurs mâles entiers devenus violents entre eux (voire vis-à-vis de l’humain car imprégnés car vendus trop jeunes sans les conseils d’éducation adaptés), j’en ai accumulé un bon paquet, c’est très loin d’être rare mais silence, il ne faut pas en parler, c’est pas bon pour le business.
A moins d’avoir un groupe important dans lequel l’agressivité est généralement diluée par le nombre, garder des mâles entiers adultes en duo ou trio génère souvent, tôt ou tard, des risques de bagarres impressionnantes et de blessures.

Et puis l’éthique de l’élevage, c’est aussi d’écarter de la reproduction des animaux porteurs de défauts congénitaux, de problèmes morphologiques sérieux (aplomb, dentition), voire de problème comportementaux (le tout souvent lié à de la consanguinité non contrôlée). Et on assiste au contraire à une course à la stupidité : puisque ce mâle a des défauts, on va brader son prix, donc surtout pas s’embêter à le castrer avant… Et le résultat, c’est que ce mâle se retrouvera à saillir des femelles à la chaine (regardez sur le Bon Coin les mâles proposés à la saillie par des particuliers ou pseudo-éleveurs… C’est à frémir).
L’autre jour je suis tombée, sur FB, sur les photos d’un type qui s’amuse à élever : il fait faire des crias à une malheureuse femelle affligée de « wry face », un souci congénital qui condamne le plus souvent le cria, incapable de se nourrir correctement. Cette femelle a eu la chance de survivre à cette difformité, mais en aucun cas elle ne devrait reproduire : l’hérédité de ce type de souci est avéré, cela ne ressortira pas forcément dans chaque cria, mais ils seront porteurs, et diffuseront le défaut à leur tour 🙁

Plus ça va, plus les gens s’improvisent éleveurs sans la moindre connaissance solide sur les alpagas et leurs particularités, et plus on voit des situations dramatiques. Mais bien sûr dès qu’on essaie d’en parler et d’avancer la notion d’éthique, on nous balance que notre seul but est en réalité de protéger notre marché : castrer un mâle, c’est éviter qu’il reproduise chez quelqu’un d’autre.
Ben… Oui, c’est exact, et ça fait partie de l’éthique de l’éleveur et de son sens des responsabilité d’agir ainsi, comme dans le monde des chiens, des chats ou des chevaux !
Si je juge qu’un mâle peut faire un bon reproducteur, il est vendu comme tel, et au prix d’un bon reproducteur, c’est simple, parce que j’ai investi de l’argent pour acheter des parents de qualité et gérer mes animaux au mieux sans lésiner sur les coûts d’élevage.
Si je juge que ce mâle n’est pas assez bon pour reproduire, ou qu’il n’y a pas assez de demandes d’éleveurs sérieux pour lui assurer une carrière dans un élevage correct, en effet il sera castré et vendu (à prix plus bas, souvent à perte hélas) comme alpaga de loisir. Mais en aucun cas il ne sera vendu entier à petit prix juste pour vider le pré,

L’éleveur qui brade ses mâles entiers, bons ou pas, scie la fragile branche sur laquelle il a déjà du mal à se tenir en équilibre : la plupart des acheteurs particuliers, des fermes pédagogiques, des pseudo-éleveurs qui veulent faire reproduire se fichent souvent de la qualité et de la génétique (et j’en ai eu quantité au téléphone ou dans des échanges par mail au fil des années) : ils veulent juste un mâle pas cher et des femelles encore moins cher pour produire des crias pas cher.
Et le cercle vicieux continue et la situation s’aggrave, et les alpagas en paient les conséquences…

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